Sur cette lande sauvage, contrastant avec les paysages calcaires typiques de la région,  nous entraîne justement l’itinéraire des « Routes Camarguaises ». Enfourchez votre moto, nous quittons la ville d’Arles.

Voudrait-on autre point de départ qu’Arles, façonnée d’art et d’histoire, dont nombre de monuments sont inscrits au Patrimoine de l’Humanité ? La ville seule mériterait un jour de flâneries au fil de ses rues étroites, mais ce matin nous mettons cap au Sud en direction des Saintes-Maries-de-la-Mer par la D570. Très vite une usine de riz, puis les premiers chevaux blancs à peine effarouchés en nous voyant passer, annoncent qu’ici rien n’est vraiment pareil. Aussi loin que porte le regard, le relief est néant, le paysage dégagé. Tantôt bordée de roseaux, tantôt de cyprès pour la protéger du vent, la route qui souvent est droite ose parfois quelques courbes.

Bientôt, les premiers mas profilent sur l’horizon leur silhouette blanche, basse. Des manades, les taureaux en semi-liberté vous observent. C’est sûr, nous ne sommes pas dans les Alpes. Ici, même en hiver, le mauvais temps ne dure jamais grâce ou à cause du Mistral. Bienvenue en Camargue. Souvent, le marécage borde la voie. Des flamants migrant vers l’Afrique ont choisi d’y faire une pause. Sur quelques centimètres d’eau, ils courbent leur cou gracile en quête des crevettes qui donnent à leur plumage sa belle couleur rose. Une affichette propose une promenade en bateau sur le Rhône, mais c’est le parc ornithologique du Pont de Gau qui méritera notre premier arrêt (voir Etapes Touristiques). On peut s’y attarder, puisque les Saintes-Maries sont proches. Célèbre pour son pèlerinage Gitan, le village qui retrouve son calme hors période estivale, envoûte immanquablement le visiteur auquel les nombreux restaurants proposent de se restaurer d’un taureau à la gardianne ou d’une rouille de seiche avant d’aller vaguer sur la grande digue qui protège des eaux. La découverte de la Camargue passe aussi par la participation aux fêtes traditionnelles camarguaises, des événements festifs et culturels incontournables.

En début d’après-midi, nous repartirons par la D85A en longeant les étangs. Un mince ruban de bitume à deux voies, comme tous en Camargue, dont les abords naturels sont vierges de toute publicité et barrière de sécurité… comme partout en Camargue ! Les seules indications mènent aux habitations. Désert, presque farouche et composé de quelques maisons, Pioch Badet tient du village breton. Retour sur la « grande route » qui va ,ou vient d’Arles. Nous laissons Aigues-Mortes sur la gauche pour emprunter, un carrefour plus loin, la petite et quasi-déserte D37.

La Route du sel

Ce cap à l’Est nous entraîne sur la rive de l’étang de Vaccarès dont la profondeur n’excède jamais deux mètres. Sensation d’un ailleurs exsangue, brûlé par le soleil. Un observatoire promet de voir les oiseaux sans les déranger. Le silence, l’air salin emplissant les poumons et un vol de canard qui s’élève au-dessus de l’eau dans un bruissement d’ailes. Puis la route frôle le domaine de Méjanes, racheté par Paul Ricard, dont un virage du circuit éponyme porte fièrement le nom (voir Etapes touristiques).

Partout, des canaux alimentent les rizières. La récolte du riz se fait en fin d’été. A l’angle de la D36, une exploitation biologique vante ses arbres fruitiers et vignobles, brisant l’idée reçue d’une monoculture rizicole. En traversant Sambuc, le premier feu rouge depuis longtemps sécurise un carrefour pourtant peu fréquenté. Comme tracée au cordeau, la route s’étire jusqu’à Salin-de-Giraud, presque toujours désertique. Difficile d’imaginer que de l’autre côté du Grand Rhône se trouvent Port-Saint-Louis et la zone de Fos-sur-Mer ! A la sortie du village, débute le salin qui produit chaque année près d’un million de tonnes. Un promontoire permet d’admirer le ballet des camions venant charger leur gabelle au sommet des monticules de sel. Si vous n’optez pas pour le petit train qui mène au musée du sel, prolongez immédiatement le voyage en suivant la digue entre mer et marais. Un oiseau file au ras de l’eau. Votre chemin « motorisé » s’arrête 18 km plus loin, là où commence la plage de Piémanson. Cette longue langue de sable de 25 km, bordée de dunes herbeuses, est squattée en été par les caravanes des naturistes, mais ignorée le restant de l’année. Il faut couper le moteur, savoir mettre pied à « terre », avant de revenir sur ses traces, traverser Salin-de Giraud et vite bifurquer à droite pour tomber sur le bac de Barcarin. Jamais remplacé par un pont, le bac est une institution qui embarque véhicules et piétons. Il vous laissera sur l’autre rive du Rhône quelques minutes après. De là, tel Don Quichotte, vous remonterez sur Arles en mettant cap sur les éoliennes et Saint-Martin de Crau (N453) des souvenirs plein la tête.